ANEF : un rapport de la Défenseure des droits relève des « atteintes massives aux droits des usagers »
La Défenseure des droits dresse un bilan sévère de la dématérialisation des demandes de titre de séjour et propose des solutions.
Quatre ans après le déploiement du téléservice Administration numérique des étrangers en France (ANEF), la Défenseure des droits dénonce, dans un rapport publié le 11 décembre 2024, les « atteintes graves et massives aux droits des usagers » nées de cette dématérialisation.
S’appuyant à la fois sur les remontées de terrain faites par ses délégués territoriaux, sur les observations directement formées par ses services centraux dans le cadre des réclamations qu’ils instruisent ou bien encore sur les signalements portés à sa connaissance par les associations et les acteurs spécialisés dans l’accompagnement des étrangers, l’institution constate que l’ANEF ne tient pas ses promesses de simplification des démarches et connaît de nombreuses limitations et des dysfonctionnements qui affectent tant le dépôt que l’instruction des demandes de titres : problèmes techniques, choix ou impensés dans la conception de l’outil sources de difficultés (impossibilité de réaliser simultanément plusieurs démarches, de conserver un historique complet des démarches réalisées et des pièces déposées, de compléter ou modifier la demande une fois celle-ci déposée etc.), difficultés émaillant la délivrance de documents, déploiement parcellaire, manque d’informations aux usagers.
Conséquence directe de ces difficultés : « des atteintes graves aux droits des usagers » conduisant par exemple une personne à se retrouver en situation irrégulière alors qu’elle remplit les conditions légales pour obtenir un titre de séjour. Une situation qui peut entraîner une perte d’emploi, de droits sociaux, d’un logement ainsi que des difficultés d’accès aux soins, pour la scolarité des enfants…
À l’issue de ces constats (qui ont été adressés au ministère de l’intérieur dans le cadre d’une procédure contradictoire « demeurée sans réponse »), la Défenseure des droits formule 14 recommandations « afin de faire de l’ANEF l’outil d’une véritable administration pour les étrangers en France, conforme au projet initial et soucieuse du respect des droits des personnes », et non plus une simple « administration des étrangers par le numérique ».
Elle préconise notamment de consacrer le droit à un accès omnicanal pour toutes et tous c’est-à-dire la possibilité de réaliser toute démarche par un canal non dématérialisé, sans condition préalable. Elle plaide également pour le renouvellement automatique des attestations provisoires délivrées le temps que les demandes de titres de séjour soient instruites par le préfet.
Véronique Baudet-Caille, Juriste et auteur en droit social